Une discussion

Depuis quelques années, Michaël Fœssel porte une réflexion philosophique sur des sujets qui d’un bout à l’autre émaillent le théâtre du Raoul Collectif en des termes qui font écho à leur recherche. 

Dans son essai La Nuit : vivre sans témoin, Michaël Fœssel parle de la nuit comme d’une expérience disruptive, créatrice de réalités collectives nouvelles, politiques ; de la fête comme un rituel social et sensuel contemporain, créateur de sens à la condition de « consentir à la nuit » et de croire en premier lieu à son improductivité. Le processus même de création du Raoul collectif fait appel à cette « improductivité » qu’évoque Michael Fœssel quand il parle de la nuit.  Et l’on peut ressentir dans un spectacle comme Une cérémonie la teneur d’un rituel, la tentative de proposer aux spectateur·ices une expérience disruptive, hors de la réalité. Y compris dans le fait qu’à sa création, le Raoul collectif rassemblait clandestinement les gens alors que les réglementations gouvernementales l’interdisaient. 

Dans Quartier Rouge, c’est par le prisme du plaisir qu’il interroge les valeurs politiques de la gauche. Mise-à-mal par de nouvelles données politiques telles que l’effondrement climatique, la gauche semble n’avoir que la « préservation du vivant » à proposer, comme impératif de survie déconnecté de toute forme de plaisir. Le vivant n’est pourtant pas seulement une norme à préserver. Dans un spectacle comme Rumeur et petits jours, où l’amitié, la beauté, d’idéal communautaire et politique d’un groupe sont mis au défi par les nouveaux préceptes de l'idéologie libérale, le Raoul collectif répond par la ruse collective, qui nait du plaisir partagé de mettre à mort une idée dogmatique. C’est une joie subversive, et partagée. Elle ne permet pas forcément de mettre fin à la crise, mais elle offre une alternative. En ce sens, elle s’accorde aux conclusion de Fœssel : les expériences politiques prometteuses sont celles d'où la terreur et la honte sont absentes. 

En s’appuyant sur ces travaux et l’expérience partagée, le Raoul collectif invite donc Michael Fœssel pour une discussion à bâton rompu, ponctuée de lectures qui sera suivi du spectacle Rumeur et petits jours.