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Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Combat des lianes

Zora Snake

Aux origines…
la toute-puissance des lianes

Pour qui connait Zora Snake, difficile de ne pas voir dans Combat des lianes ce qui l’agite. On pense au cri puissant des peuples pygmées situés au Sud-Est du Cameroun en train de disparaître mais aussi, à la déforestation. On pense à son village situé à l’Ouest du Cameroun dans les hautes montagnes et à la forêt vierge qui est son refuge, sa respiration. On pense au livre Sagesse des lianes - Cosmopoétique du réfuge 1 de Dénètem Touam Bona, quelque part entre l’image léchée du film Greystoke, la légende de Tarzan de Hugh Hudson tournée dans l’antre des chutes d’Ekom Nkam au Cameroun et la sagesse subversive des premiers peuples contre la capitalisation du vivant.

Il ne s’agit pas de voir Combat des lianes comme une pièce de danse à clef mais plutôt comme une métaphore poétique et visionnaire sur l’état brutal du monde, aujourd’hui. Les violences subies par les Pygmées ne sont pas si éloignées des violences subies par les Bororos au Nord du Cameroun, les SDF ou les afro-descendant·es. Et en définitive, des violences subies par toutes les personnes invisibilisées dans la Cité et ailleurs, en raison de leur origine géographique, leur sexe, leur genre, leur âge ou leur sexualité.

Zora Snake ne regarde pas seulement la catastrophe en face à travers les personnes qui la subissent, mais aussi passe au crible les questions d’immigration, les discriminations, la justice sociale et climatique, les frontières, la puissance des œuvres d’art exposées dans les musées à la gloire des forces (néo)colonisatrices. L’artiste passe par l’imaginaire des lianes, les liens et les tensions. Il croit en la toute-puissance de la fiction et de la forme pour s’adresser à nous.

La danse : corps et lianes

S’il faut trouver une histoire dans Combat des lianes, c’est l’histoire des luttes. Plus encore ici, tout est affaire de résistances, au-delà des rêves, du côté du vivant, qu’elles soient de l’ordre du rugissement, de la sublimation ou du cauchemar. Comment s’inspirer de toutes les luttes idéologiques qui ont embrassé les conditions des peuples sous domination capitaliste et coloniale ? Comment les lianes nous permettent-elles de raconter les luttes sociales, les discriminations, les préconçus mortifères ? Comment les corps dansés et dansants racontent-ils les luttes victorieuses, solidaires et sans fin de notre temps ?

Combat des lianes c’est l’état des colères du monde qui forme des nœuds de résistance à travers la puissance des lianes qui s’adressent à l’humanité. Le corps est ici relié de façons multiples, de liane en liane, de l’imaginaire au réel, de la poétique au politique, de l’humain au sacré.

Par la puissance du geste à la fois torsion, contorsion et poésie des corps en quête de soleil, la grammaire chorégraphique de Zora Snake est le voyage au travers de l’invisible comme le serpent de vie, le rite de réincarnation et de réinvention d’une société plus saine et apaisée à laquelle nous rêvons pour revenir à nous-même.

Si la danse prend forme ici dans la physicalité des lianes – creux, fissuration, chute et suspension, craquement – ; dans les croyances des sociétés secrètes Nku’ngang de l’Ouest du Cameroun qui considèrent que les lianes chassent les mauvais esprits ou dans les danses rituelles, elle n’est pas une danse « primitive », ni « ethnique » ni « ethnologique ». C’est la danse des racines vers toutes les racines. C’est la danse humaine en osmose avec la nature qui se souvient de ce qui est à venir, maintenant.

Recherche de coproducteur·euses en cours
Première au Théâtre National Wallonie-Bruxelles en septembre 2025

Zora Snake

De son vrai nom Tejeutsa qui veut dire dans la langue traditionnelle Yemba « une personne ayant une forte empathie », Zora Snake est chorégraphe, danseur et chercheur en Art de la per- formance. En 2013, il fonde à Yaoundé la Compagnie Zora Snake et en 2017, le Festival international MODAPERF – Mouvements, DAnses et PERFormances.

Plusieurs fois lauréat et finaliste, on dit de lui qu’il est l’un des artistes les plus prometteurs de la scène hip-hop (Popping) actuelle, et de la scène tout court en Afrique et ailleurs, mêlant pratiques artistiques dans l’espace public, performances rituelles politico-poétiques et, art et société. Lauréat 2016-2017 du programme Visas pour la création de l’Institut Français, il travaille régulièrement dans le réseau culturel français dans le monde, ainsi qu’avec les Goethe-Institut.

En 2021, dans le sillage de MODAPERF, il crée l’Espace-Labo, lieu de croisements et de partages artistiques et, incubateur social et culturel ; il est ouvert aux artistes et aux opérateurs culturels pour (ré)inventer des langages artistiques, professionnaliser les jeunes artistes et pérenniser ainsi l’art au contact des publics en Afrique.

Zora Snake entretient un rapport très fort à l’engagement. D’abord, parce que l’engagement constitue le matériau premier de ses pièces audacieuses et explosives : Au-delà de l’humain ; Je suis ; Transfrontalier ; Le Départ ; Les Séquelles de la Colonisation ; Les masques tombent ou Shadow Survivors. Ensuite, parce qu’il est un sujet de réflexion permanent. L’artiste participe à des colloques et des séminaires, il anime des workshops, il écrit.

A mi-chemin entre la théorie, la méthode et le document d’archive, son ouvrage L’art est une boxe – de la performance et du politique en collaboration avec Julie Peghini et Dominique Malaquais, débuté lors d’une résidence d’écriture à la Fondation Camargo, offre des clés essentielles pour l’appréhension de la performance comme moyen de créer des espaces communs de contestation, de réflexion et de collaboration – espaces qui transcendent les frontières, tant physiques que disciplinaires.

Distribution

Chorégraphe Zora Snake
Interprétation (5 danseur·ses) Gandir Prudence, Joy Alpuerto Ritter, Zora Snake, (en cours)
Compositeur·ices et musicien·nes live Christiane Prince et Pidj Boom
Scénographe Alioum Moussa
Création lumière Emily Brassier
Création costume Lamyne M


Production Théâtre National Wallonie- Bruxelles
Coproduction Charleroi Danse, Julidans Amsterdam, Theater Freiburg (en cours)

Le Rideau de saison, Maak & Transmettre · photo : Lucile Dizier, 2024