La fureur tragique du passé
La Reine Lear / Christophe Sermet / Interview, partie III
La Reine Lear va se déployer dans un monde contemporain, sur fond de haute finance.
Le thème central, c’est la dématérialisation. L’humain en tant que tel, en tant que corps, en tant que présence physique a tendance à se diluer dans le digital et le virtuel. La scénographie, la vidéo et la musique sont des éléments porteurs dans cette mise en place.
Dans les choix posés pour la scénographie, nous avons veillé avec Simon Siegmann à toujours partir du texte. Même si on déteste le naturalisme/réalisme, il y a toujours un besoin de concret. Ici, nous sommes confrontés à la difficulté de lieux très différents, dans un contexte ultra contemporain. Nous sommes aussi face à l’idée qu’une espèce de noblesse de la finance aurait remplacé la noblesse du Moyen-Âge. On a essayé d’imaginer un dispositif qui soit à la fois simple mais spectaculaire. Car chez Tom Lanoye, il y a à la fois ce goût pour l’antique et pour un certain pragmatisme.
La vidéo, elle est aussi dans l’écriture même. Cela s’inscrit dans cette logique de confronter ce langage aux médias d’aujourd’hui. Un des sujets de la pièce est en effet la dématérialisation des richesses, du pouvoir, de l’amour…
Je cherche toujours la fureur, quelque chose qui resterait de la fureur tragique du passé et j’aime voir comment cela résiste, plongé dans un bain contemporain. Le dispositif ressemble à cela aussi. On a des choses très pointues, de la vidéo, et en même temps un dispositif scénique inspiré quelque part du théâtre élisabéthain.
Pour le son et la musique, je travaille avec Max Bodson. On éprouve le besoin d’un univers sonore qui puisse accompagner le spectacle de manière presque sensitive, de ne surtout pas l’illustrer mais plutôt de renforcer quelque chose de l’ordre des sens, de ce qui vibre. Sans vouloir pousser trop loin l’analyse, la tragédie au départ est musicale ; elle vient de la danse et des sens corporels. On essaye de retrouver quelque chose de cet ordre-là, mais dans des esthétiques tout à fait contemporaines.
— Propos recueillis par Sophie Dupavé, le 13 novembre 2018.
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