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Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Entretien

Nous avons quitté la route

Carlotta Sagna

Ma l’amor mio non muore / épilogue
Pari réussi pour la chorégraphe et danseuse Carlotta Sagna qui travaille pour la première fois avec le duo Alessandro Bernardeschi / Mauro Paccagnella sans œil extérieur dans Ma l’amor mio non muore / épilogue. Tandis qu’i·els sont à Bruxelles, l’artiste nous raconte son expérience qui témoigne une fois de plus de sa curiosité créative.
Stéphen Broc

J’ai rencontré Mauro Paccagnela en Italie dans les années 1980. Nous avons travaillé avec la Compagnie L’Ensemble de Micha Van Hoecke qui a dirigé l’école Mudra fondée par Maurice Béjart à Bruxelles où j’ai fait mes études. Ensuite, nous nous sommes souvent recroisé·es. Avec Alessandro Bernardeschi, nous avons travaillé ensemble avec ma sœur, la chorégraphe Caterina Sagna. Puis, avec le chorégraphe Georges Appaix. Plus récemment, j’ai été amenée à reprendre le rôle de Mauro dans Closing Party pour quelques dates. Il y a toujours eu, entre nous trois, une sorte d’alchimie créatrice. Nous avons en partage la même vision du théâtre, de la danse, me semble-t-il.

C’est donc très naturellement que nous avons été amené·es à créer Ma l’amor mio non muore / épilogue. Au début, j’avais quelques appréhensions. Le duo de Mauro et Alessandro est extrêmement solide. D’une certaine manière, j’ai fissuré leur solidité. (Rires) Ils ont redécouvert des « couleurs » qu’ils avaient un peu oubliées. Cela n’a rien avoir avec le fait que je suis une femme. Ce n’est pas ça ! De manière générale, il n’est pas évident de pénétrer un duo. Surtout, quand il est aussi puissant que celui de Mauro et Alessandro. À l’évidence, nous y sommes parvenu·es. C’est sans doute grâce à eux deux. Ils ont ouvert la porte. J’ai le sentiment qu’ils avaient envie d’être bousculés dans leurs pratiques. C’est ce que j’ai un peu fait. (Rires)

J’aime travailler avec des personnes très diverses. J’aime être « bousculée ». J’aime me confronter à d’autres manières de travailler, à d’autres rythmes de création. Ce qui est le cas, ici. Bien que nous nous connaissions, nous n’avions jamais travaillé tous les trois sans œil extérieur.

En principe, j’ai besoin de temps, de repères pour écrire. J’ai besoin d’une structure « écrite » pour donner libre cours à la danse. Pour autant, cela ne signifie pas que tout est écrit. Quelque chose peut se faufiler à tout moment dans la représentation. Toutefois, il faut bien le reconnaître. Mauro et Alessandro sont plus libres que moi. Ils sont totalement à l’écoute de tout ce qui se passe sur le plateau. Ils sont vraiment dans l’ici et maintenant, y compris dans les répétitions. Ce qui n’est pas toujours évident pour moi. J’apprends encore. (Rires)

À regarder de près mon parcours, je n’ai aucun regret. Ce n’est pas dans ma nature. Peut-être que j’aurais aimé explorer davantage le champ de la musique. Je suis impressionnée par les artistes multidisciplinaires ; celles et ceux qui dansent, chantent et jouent d’un instrument de musique. J’aurais aimé avoir plusieurs cordes à mon arc. C’est ainsi !

Pour moi, le plus important est de ne jamais me contenter de ce que j’ai accompli. Aller toujours plus loin, y compris dans les zones inconfortables. C’est ça !

— Propos recueillis par Sylvia Botella en janvier 2025.

Le Rideau de saison, Maak & Transmettre · photo : Lucile Dizier, 2024