Regarder ensemble quelque chose de beau
Gloria Scorier
Lorsque le Théâtre National m’a invitée à réaliser ce qui allait devenir l’identité visuelle de la saison 2023·2024, l’envie était déjà présente de travailler à partir d’images de foules, de multitudes. Je suis donc allée fouiller dans les photos, toutes ces images mémoire des activités du Théâtre, avec une attention particulière au public. Cette masse qui regarde mais qu’on n’a pas pour habitude de regarder.
Et j’ai reconnu un spectacle auquel j’ai eu la chance d’assister. Il était donné cette fois-ci en extérieur, carrément dans la rue, devant la Bourse, au cœur même de Bruxelles. Cette image correspondait pour moi à ce que le théâtre peut incarner de plus enthousiasmant. Une foule éclectique, des individus qui « passent par là » et qui regardent ensemble quelque chose de beau, de très simple : un corps dansant.
La scène se déroule dans la rue, on entrevoit d’ailleurs quelques morceaux d’échafaudages, et pourtant les personnages sont transportés dans un paysage à l’opposé de l’espace qu’ils occupent. Comme l’expression du transport que peut opérer le théâtre.
Dans mon travail plastique la couche est omniprésente, j’aime assumer être en perpétuelle recherche et la couche me permet de laisser dévoiler les strates de doutes. Vulnérable comme une fine peau, la peinture reste ouverte, questionnable. Chacun·e peut l’imaginer autrement, s’en emparer. La faire évoluer aussi en s’y intégrant. Passer devant et, ce faisant, la décliner à l’infini – certains personnages étant à échelle humaine.
Cette idée me plaît beaucoup !
— Gloria Scorier, avril 2023
Diplômée en illustration à Bruxelles, Gloria Scorier réalise actuellement un master de peinture à la Koninklijke Academie voor Schone Kunsten (KASK) de Gand. Son travail questionne les frontières entre les disciplines, en particulier entre le dessin, l’illustration et la peinture.
Ses années d’étude, d’abord en vidéo puis en illustration, ont éveillé sa capacité de narration, son plaisir de raconter, de créer du récit, et ont mis l’accent sur l’importance d’inventer de nouveaux modes de pensée. C’est pourquoi elle va chercher dans le détail, faire le focus sur un fragment, centupler un morceau de photo, et ces formes agrandies finissent par frôler l’abstraction. Elle produit de cette manière des images qui, au contact les unes des autres, génèrent des histoires, des refuges de pensée et créent du mystère.
Dans son atelier, elle travaille simultanément sur ses peintures et ses carnets dans lesquels elle consigne croquis, notes et pensées. Elle enregistre, photocopie, dessine et collecte des images. La proximité de ces différents médiums lui permet de réfléchir à la relation entre image et texte. Elle garde la trace de ce cheminement et on peut ainsi deviner sous les couches de peinture, de tape ou de papier, les méandres et les doutes qui font les fondations du dessin.