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Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Une certaine manière d’être en vie

Denis Lavant

© Luc Valigny

Pour moi, le texte a une importance capitale. J’ai beaucoup lu dans les contextes les plus divers, j’ai essayé d’être un colporteur de mots à travers des lectures poétiques. De nos jours, il y a une grande déperdition du langage entre l’écrit et l’oral à cause du mode accéléré de la communication moderne. Avec la poésie en vers, on retrouve plus certainement la valeur des syllabes longues, brèves, la texture des mots. Comédien, je suis extrêmement sensible à la sonorité des mots, à leur saveur.

Je suis parti du geste et j’ai voulu forger ce « conduit » pour émettre la parole. Le langage me passionne. Ce phénomène du langage passe aussi par la poésie, par le jeu des mots, l’étymologie sauvage ! C’est une richesse, une source de vie. Il y a quelque chose de fabuleux dans le langage qui se manifeste par bouffée de façon immémoriale.

Servir le texte, oui c’est cela qui m’importe ; me mettre au service d’un auteur pour le théâtre.

(…)

Je pense aussi que la poésie ne retentit pas seulement dans l’écriture mais surtout dans un état humain ou à travers une certaine manière d’être en vie. C’est une façon d’entrevoir le monde qui nous entoure. Et pour cela, j’estime qu’un spectacle de poésie se tient, paradoxalement, lorsqu’il permet le plus d’improvisation possible. Ceux que j’ai réalisés étaient des instantanés. Le terme de « performance » m’ennuie. Je préfère parler de « précipités poétiques ». Lorsque je travaille avec des musiciens, cela nécessite évidement d’échafauder davantage le parcours pour se donner des rendez-vous, des points de repère, alors que lorsque je suis seul, livré à moi-même, je peux emprunter des voies différentes à tout moment, et en décider au tout dernier instant. Je suis libre des choix de mes textes et de mes orientations de jeu, ma seule exigence étant dans cette extrême nécessité du « dire ». J’essaie de trouver sans cesse l’accord entre ma sensation immédiate et mon propos, de maintenir l’équilibre de cette expérimentation en fonction de l’écoute et de l’attention du spectateur.

 

— Extrait de Échappées belles de Denis Lavant
publié en septembre 2020 aux éditions Les impressions nouvelles 

 

→ Denis Lavant rendra hommage à Marcel Moreau lors des Midis de la Poésie,
le 06.10.2020 à 12:40.

Le Rideau de saison, Maak & Transmettre · photo : Lucile Dizier, 2024