Écritures et handicaps : pour une performativité de la langue

Les Lundis en coulisse coordonnés par Silvia Berutti-Ronelt mettent en évidence la richesse des écritures dramatiques actuelles et inédites en Belgique. C’est ainsi que Les Lundis en coulisse Écritures et handicaps : pour une performativité de la langue voient le jour, à partir d’une idée originale de Clément Papachristou : choisir et lire trois textes dramatiques portés au plateau avec des artistes porteur·ses de handicap. Dans cet espace et ce temps propices aux dialogues, pas besoin de savoir lire, ni parler ni jouer, Clément Papachristou et Marie Astier ont imaginé un Lundis en coulisse adapté, ludique et ouverts à tous·tes : livrets écrits en gros caractères, soufleur·ses – à l’aide de micros et oreillettes, i·els pourront souffler à voix basse le texte à une personne qui, selon la nature de son handicap, pourra dire le texte à haute voix.

C’est une occasion unique qui est donnée aux publics (en situation de handicap ou non) de découvrir la beauté et la diversité des écritures dramatiques adaptées à travers un va-et-vient constant entre discussion et lecture, entre inclusivité et performativité de la langue.

Notre souhait est que les lectures et conversations partagées permettent de mieux connaître ce qui s’écrit aujourd’hui pour la création adaptée et que les dramaturgies adaptées soient davantage présentes sur les scènes belges et ailleurs.

3 Textes

Textes inédits (sans titre) de Roger Angeli, artiste du Creahm-Bruxelles

D’une grande profondeur poétique, les textes de Roger Angeli ne sont pas délibérément écrits pour le théâtre. Pourtant ils se prêtent particulièrement bien à une mise en voix et en espace. Nous lirons ensemble quelques textes courts et inédits qui, sans jamais l’illustrer, rappellent le travail pictural de l’auteur. Ils nous transportent souvent sur des planètes inconnues de nos systèmes solaires. Ils traitent du rapport à l’amour, à la sexualité. Ils laissent aussi la place à des visions oniriques de certains rapports aux pouvoirs et à la normalité.

Avec Roger Angeli, plasticien et auteur, et des acteurices et plasticien·nes du CREAHM-BXL (Création et Handicap mental)

Roger Angeli est artiste plasticien, connu et reconnu du Mad Museum de Liège à Chicago. Son style ? des yeux aux iris multiples, des bouches pulpeuses et des nez à perspective aplatie. Il écrit aussi beaucoup dans un style halluciné et obsessionnel mêlant sexe et espace, multipliant aphorismes et saillies qui illustrent parfois ses dessins.

→ Plus d’infos

Gulliver, le dernier voyage, librement inspiré des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift et réécrit pour le théâtre par les interprètes de la troupe Catalyse – Tristan Cantin, Manon Carpentier, Guillaume Drouadaine, Emilio Le Tareau, Christelle Podeur, Jean-Claude Pouliquen et Sylvain Robic – et mis en scène par Madeleine Louarn et Jean-François Auguste.

En 1988, Madeleine Louarn – alors éducatrice spécialisée et responsable d’un atelier de théâtre amateur au sein de l’ESAT des Genêts d’Or – propose une adaptation scénique du quatrième chapitre des Voyages de Gulliver par lequel elle interroge la place et la notion de handicap. Le personnage principal, joué par Jean-Claude Pouliquen, découvre une société de chevaux civilisés et d’hommes incultes. Trente-trois ans plus tard, pour la 75e édition du Festival d’Avignon, la metteuse en scène s’empare du troisième chapitre de l’œuvre de Swift – que celui-ci aurait écrit en dernier – et monte Gulliver, le dernier voyage avec Jean-François Auguste, fidèle compagnon de Catalyse depuis 2003. L’adaptation du texte est en grande partie prise en charge par les acteurices eux-mêmes, dans le cadre d’ateliers d’écriture menés par les dramaturges Leslie Six et Pierre Chevalier. Gulliver voyage sur quatre îles différentes : à Laputa, où le roi et ses sujets se préoccupent exclusivement de la future explosion du soleil ; à Lagado, où les académiciens travaillent sur d’étranges inventions censées permettre à l’humanité de s’affranchir du cycle biologique ; à Glubdubdribb, où un magicien fait revenir les fantômes de personnes décédées et à Luggnagg, où les immortels, regroupés, sont mis à l’écart. Il est donc question de nos fragilités collectives et individuelles, de nos réponses sociales et personnelles, de nos réactions irrationnelles, de nos utopies, de nos maladresses et de nos éternelles contradictions. Adapté d’un roman du XVIII^e siècle, Gulliver le dernier voyage fait écho à des problématiques ultracontemporaines en même temps qu’il a des allures de contes Philosophiques.

Née en 1983, la troupe Catalyse s’est professionnalisée au fil du temps. Aujourd’hui, c’est une troupe professionnelle morlaisienne avec des acteurices en situation de handicap mental et psychique. Depuis 2021, elle est intégrée de manière permanente dans le Centre national pour la création adaptée à Morlaix.

Avec Marie Astier, chercheuse associée au Centre National pour la Création Adaptée, qui a suivi tout le processus de création du spectacle et qui dispose notamment des textes inédits, issus des ateliers d’écriture menés par les dramaturges Leslie Six et Pierre Chevalier.

→ Plus d’infos

Figure(s) de Filip Forgeau, commande d'écriture de la compagnie Création Éphémère, mis en scène par Philippe Flahaut avec Théo Kermel.

Après Roméo (création 2014), Figure(s) s’intéresse à quatre autres figures shakespeariennes : Hamlet, Macbeth, Richard III et Lear, qui ont en commun le pouvoir, la folie et l’amour. Écrites sous la forme de poèmes dramatiques monologués qui seront pris en charge par Théo Kermel, ces quatre figures peuvent être mis en voix ou en scène d’une manière indépendante les unes des autres ou comme quatre parties – quatre portraits – d’un même ensemble sous la forme d’une lecture ou d’un spectacle. Ce texte est nourri (et va être nourri) par de riches allers-retours entre écriture et plateau, entre plateau et écriture, entre matière humaine et fiction, entre fiction et matière humaine, entre acteurices et personnages, entre personnages et comédiens…

Avec l’auteur Filip Forgeau, à qui Phillipe Flahaut – fondateur de la Compagnie Création Éphémère – a déjà confié quatre voyages en écriture : Celui qui…, Federico(s), Univers Elle et Roméo (actuellement en retravail).

Filip Forgeau est auteur, acteur, metteur en scène et réalisateur de cinéma. Il a publié une vingtaine de textes alternant théâtre, récits, romans chez de nombreux éditeurs. Directeur artistique de la Compagnie du Désordre depuis 1987, il a mis en scène une trentaine de spectacles de théâtre ou d’opéra sur les scènes françaises et internationales.  Au cinéma, il a réalisé trois films. Auteur/formateur, il dirige depuis 1987 de nombreux stages et ateliers d’écriture, du Conservatoire National de Paris en passant par de nombreux festivals ou quartiers défavorisés, jusqu’au milieu scolaire, hospitalier ou carcéral.

→ Plus d’infos

Les passeur·ses

Clément Papachristou est acteur, metteur en scène et dramaturge. Lauréat de l'ESACT/Conservatoire de Liège en 2014, il s’intéresse très vite aux pratiques artistiques inclusives à destination des publics exclus, son travail s'oriente particulièrement sur les rapports entretenus entre Corps et Histoire collective. Après Almanach, présenté en 2017 au festival Émulation, il présente Une tentative presque comme une autre avec son frère jumeau en situation de handicap Guillaume en 2020, au Festival Pays de Danses et au Festival de Marseille. Le spectacle est réactivé en 2022 au Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Sa troisième mise en scène, La Grotte créée au Théâtre Varia à Bruxelles et au Théâtre de Liège est reprise dans le cadre de Scènes Nouvelles en novembre. Depuis 2022, il est artiste associé au Théâtre National Wallonie-Bruxelles.

Marie Astier est comédienne, metteuse en scène, médiatrice artistique et chercheuse en Arts du spectacle et intervenante artistique. Diplômée de l’Université Paris III et de l’École Normale Supérieure, elle est titulaire d’un doctorat en Arts du spectacle sur la question de la présence et de la représentation du handicap mental sur la scène contemporaine française. Fondatrice de la Compagnie En Carton, elle défend la vulnérabilité comme une valeur esthétique et politique. Elle travaille au sein de L’Inverso Collectif, de la Compagnie Trazo. Elle est artiste associée au Centre Dramatique des Villages du Haut Vaucluse.