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Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Cela va rester fragile jusqu'au bout

La Reine Lear / Christophe Sermet / Interview, partie II

La femme est au cœur de cette œuvre. Le Roi Lear devient la Reine Lear. Il fallait pour camper la dimension absolue de cette mère puissante, universelle, globale, une figure hors norme. 
Pourquoi avoir choisi Anne Benoît pour l’incarner ?


Christophe Sermet : Effectivement, le personnage de la Reine Lear est immense. Anne Benoît s’est amusée à compter les vers et il y en a plus que dans Phèdre de Racine. C’est donc vraiment un rôle important… Lorsque je réfléchissais à qui pourrait l’incarner, je ne me suis pas donné de limites. Des bonnes actrices d’âge mûr, il y en a en Belgique. Mais je me suis dit : « cherche dans tes souvenirs de spectateur de théâtre, de cinéma… ». Et là, je me suis souvenu d’une comédienne qui m’avait littéralement soufflé par sa puissance scénique. C’était Anne Benoît, que j’avais vue notamment dans du Feydeau.

Nous avions des connaissances en commun, ce qui a permis la rencontre. Ensuite, on découvre vraiment les acteurs dans le travail. Or elle s’avère surprenante. Il faut toutes les nuances pour découvrir la monstruosité mais aussi l’humanité ou simplement l’amour maternel de La Reine Lear. Anne Benoît a vraiment un registre extrêmement large, beaucoup plus vaste que ce que j’imaginais. Aussi, elle amène avec elle tout un pan de l’histoire récente du théâtre français. Elle a commencé avec Vitez. Mais elle reste très curieuse de ce qui se fait actuellement. Elle est à un endroit intéressant par son parcours et ce qu’elle amène avec elle dans cette distribution.

Après le travail reste fragile. Autant on a besoin de force, d’endurance pour tenir la distance, autant cela va rester fragile jusqu’au bout. De toute façon, le théâtre que j’aime est souvent sur un fil, entre tragique et comique. La question que je me pose est : comment peut-on encore raconter la tragédie aujourd’hui ? Quel sens cela a ? Qu’est-ce que les gens comprennent encore du sentiment tragique ? Qu’est-ce qui peut encore en découler ? C'est-à-dire un certain soulagement ou une consolation catharsis.

 

En interview, Anne Benoît disait que dans La Reine Lear, Tom Lanoye a écrit un rôle magnifique pour sa mère. Dans Sprakeloos, on a découvert à quel point la maman de Tom Lanoye était importante. Croyez-vous aussi que le souvenir, la présence de la maman de Tom Lanoye plane au-dessus du plateau ?

CS : Oui, Tom explique – même s’il est assez pudique là-dessus – qu’il a commencé à faire du théâtre en faisant répéter sa mère qui était comédienne amateure. La Reine Lear est autant une comédienne qu’une mère. Dans le personnage, il y a une dimension d’actrice. Il y a une sorte de mise en abyme. Et oui, cela doit être lié à l’intimité de Tom Lanoye. En tout cas, c’est très concrètement une mère.

Je pense beaucoup à la chanson d’Arno : Dans les yeux de ma mère. Il y a un rapport très charnel à cela. Les parents de Tom Lanoye tenaient une boucherie. Et donc il y a un rapport à la chaire, à la matière vivante très concret. C’est ce qu’on cherche aussi tout en racontant une sorte de déchéance métaphysique.

 

Tom Lanoye pose-t-il un regard sur la mise en scène, sur le respect du texte ou est-ce que vous avez totale liberté ?

CS : Nous avons une totale liberté. Tom Lanoye est venu écouter deux lectures. Il a réagi à ce qu’il a entendu mais sans pour autant donner de conseils. Je pense qu’il n’a aucune envie d’ingérence.
La seule chose qu’il demande en fait, c’est d’être surpris.


— Propos recueillis par Sophie Dupavé, le 13 novembre 2018.

 

 

La Reine Lear / Interviews

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