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Théâtre National Wallonie-Bruxelles

La pièce de Wedekind

L'Eveil du printemps

© Hubert Amiel

Cette pièce nous raconte le parcours d’un groupe d’adolescents, dont trois personnages principaux, Wendla, Melchior et Moritz, qui arrivent tous trois à l’âge où les pulsions prennent le pas sur les restes d’enfance et où cette force irrésistible les envahit et les submerge, les amenant à transgresser les tabous sociaux et éducatifs. Se frayant un chemin vers le monde des adultes, ils se heurtent aux conventions et aux règles d'une société incapable d'apaiser les angoisses de la jeunesse.

Le sexe, la violence et la mort entrent dans leur vie et les chamboulent. L’éveil de la sexualité est vécu comme un bouleversement radical de l’être qui les jette dans un état d’agitation intense, comme hors d’eux-mêmes, sans que jamais ils ne puissent trouver de soutien auprès des adultes, horrifiés par cette transformation.

 

« Je serais étonné si je vois le jour où on prendra enfin cette œuvre comme je l’ai écrite voici vingt ans, pour une peinture ensoleillée de la vie, dans laquelle j’ai cherché à fournir à chaque scène séparée autant d’humour insouciant qu’on pouvait en faire d’une façon ou d’un autre. » -Frank Wedekind
 

Ecrite entre 1890 et 1891, elle fut immédiatement interdite par la censure. Abordant des thèmes totalement tabous pour son époque, comme la masturbation, le viol, l’avortement, elle était considérée comme scandaleuse, voire pornographique. Elle critiquait aussi un certain état de la société prussienne, rigide et engoncée dans un système éducatif répressif, à travers les personnages des adultes qui ressemblent à des marionnettes caricaturales.

Wedekind dut attendre 17 ans pour la voir montée par Max Reinhardt, le grand metteur en scène expressionniste. Elle garde un propos universel et nous parle toujours aujourd’hui. Son réalisme psychologique et la qualité de ses intuitions étaient admirés par Freud lui-même.

La pièce est écrite en tableaux, qui suivent une évolution mais ne présente pas réellement de progression linéaire. Sa dramaturgie annonce déjà les grandes pièces expressionnistes : pas de découpage en scène mais une succession de moments presque autonomes, des concentrés de vie qui sont parfois composés de plusieurs scènes ou seulement de quelques phrases. ( la scène du rapport sexuel entre Melchior et Wendla par exemple ne tient qu’en quelques lignes)

La pièce de Wedekind est incertaine dans sa forme (cette fameuse Kindertragödie qui même en Allemagne ne renvoie à aucun genre repéré), elle est parfois hésitante dans son évolution dramatique et dans son écriture même. Autant de signes clairs pour la situer dans le "geste" adolescent d'un auteur qui hésite, doute et crie la difficulté de vivre d'une génération opprimée par la lourdeur de l'appareil politique prussien.

Armel Roussel s’empare de cette pièce inclassable, - pas tout à fait une tragédie, mais tragique quand-même, ni farce, ni conte moral, ni drame romantique, pour en faire une grande parabole sur le désir, et la force de vie. Des existences sont massacrées mais ce jeu de massacre est aussi plein de joie d’humour et de foi en l’existence.

 

« C’est ce que j’affectionne souvent : c’est une tragédie avec beaucoup de comédie, ou c’est une comédie parcourue de tragique. Je choisis de l’aborder comme une comédie parcourue de tragique. » Armel Roussel
Le Rideau de saison, Maak & Transmettre · photo : Lucile Dizier, 2024